Les auteurs d’études parlent généralement « d’architecture rurale en Italie » et non « d’architecture italienne rurale », en raison de la grande variété de formes et de structures présente dans les bâtiments ruraux. Les origines et le développement de l’architecture ne peuvent être compris que si l’on place ses principaux aspects et problèmes dans une perspective de contexte historique.
Sur la base d’une variété physique et de caractéristiques climatiques, on peut diviser le pays en trois types de régions; La chaîne alpine et une partie des Apennins, tous deux caractérisés par des pentes très raides et des hivers rigoureux. Les plaines et les basses collines où le type d’agriculture pratiqué exerce une influence indirecte, et le sud de I’Italie et ses îles, avec leurs étés longs et arides.
Les matériaux habituellement utilisés pour les bâtiments ruraux sont la pierre, le tuf, la brique et le bois – ils découlent en définitive du sol sur lequel les bâtiments sont bâtis. Les différences technologiques, bien que largement dépendantes des disparités économiques et sociales, sont également des éléments à prendre en compte concernant les différences des matériaux employés.
Mais les trois formes « italiennes » fondamentales; l’habitation individuelle, la maison construite autour d’une cour centrale, et la maison composite, appartiennent toutes au modèles de l’Europe du Sud. Une mention particulière devrait être faite concernant les bâtiments du sud de la péninsule Sicilienne que nous avons déjà abordés, dans laquelle une série d’unités étaient fusionnées pour former un seul ensemble compact.
Fondamentalement, l’Italie appartient à une région dans laquelle les caractéristiques dominantes (plans au sol rectangulaires et toits en pente), correspondent à la typologie des bâtis de l’Europe du Sud. Cependant, les formes européennes et orientales (toits plats), se retrouvent également à l’intérieur des frontières politiques du pays, mais aussi des exemples sporadiques atypiques sont présents (par exemple les Trulli dans les Pouilles – bâtiments ronds aux toits coniques).
L’architecture rurale contient en son sein l’expression d’une expérience ininterrompue qui permet même de doter le plus humble bâtiment de la dignité d’un monument conçu pour défier le temps qui passe. Par conséquent, pour éclairer le phénomène que nous examinons, nous devons regarder en arrière dans le monde complexe des traditions et des cultures populaires.
L’architecture rurale de la période romaine appartient uniquement au domaine de l’archéologie. Au moyen âge, l’architecture campagnarde est revenue à la forme du castrum, ou village agricole fortifié. Mais la croissance des villes étaient étroitement liées à la nouvelle ruée «coloniale» sur l’agriculture, et le résultat de ce processus urbain est à l’origine de presque toutes les formes d’habitations rurales construites entre le IIe et le XIVe siècle dans le centre Italie.
L’empreinte de l’urbain sur la société rurale se retrouve dans les logements unifamiliaux à plus d’un étage, la maison «tour» et autres formes fermées. Dans la période qui a suivi, nous assistons d’une part au début d’un développement autonome des bâtiments ruraux, et de l’autre, à l’apparition des premières tentatives de réalisation de ce qui devait être l’habitation typique de la Renaissance.
Aux XVIe et XVIIe siècles, il y eut une «refonte», à la suite de laquelle les paysages agricoles reflétaient clairement les divisions sociologiques. Le tournant a été le développement des grandes exploitations agricoles du XVIIIe siècle: l’habitation rurale a cessé d’être une imitation du modèle établi par les classes dirigeantes, et est devenue quelque chose de délibérément planifié pour convenir à la configuration agricole.
La nouvelle architecture rurale d’aujourd’hui est toujours fortement influencée par les constructions urbaines. Les progrès technologiques et les facilités de transport ont facilité l’utilisation de matériaux de construction jusqu’alors inconnus dans certaines régions. Les nouveaux matériaux – fer, béton, maçonnerie, acier tréfilé, et plus récemment, les unités préfabriquées ont été introduites de façon constante.
La région alpine possède une grande variété de logements ruraux qui pourrait dériver de la mixité des différentes cultures européennes. En général, la maison en bois avec un toit en pente vers le nord représente une adaptation des habitations des régions montagneuses de l’Allemagne centrale, tandis que la maison en brique avec toit en pente vers le sud appartient à la sphère culturelle du monde romain.
L’utilisation du bois – excellent matériau isolant – est très répandue. Le bâtiment monobloc avec le local agricole et logement sous un même toit est typique des montagnes du pays. Il est à noter que la population alpine vit pour la plupart dans des villages soudés qui ont conservé leurs origines. Cette compacité reflète à la fois la tendance à vivre en communauté, la solidarité face à un environnement hostile, et la nécessité d’économiser aux maximum les terres arables.
Dans les Apennins, la recherche de sites au sommet des collines peut être favorisée par des facteurs très différents. Dans la partie centrale des Apennins, on trouve des maisons en brique typiques, construites sur deux niveaux avec un plan au sol rectangulaire, un pignon de toit légèrement incliné et un escalier extérieur. Elles hébergent à la fois les produits agricoles et les logements, de sorte qu’elles sont en règle générale qualifiées d’habitations monobloc.
Dans les régions montagneuses, des matériaux tels que la pierre des champs ou les gravats sont majoritairement utilisés. On y trouve aussi des constructions en pierres sèches sans mortier. Les bâtiments en pierre sont presque toujours « à nu », laissés sans stuc. A proximité des sols argileux, la brique crue ou cuite est également utilisée. Dans les Apennins, on trouve toutes sortes d’abris, parmi lesquels on peut citer les cabanes de charbonniers.
Dans le Piémont, le type de maison rurale le plus courant est la cascina (la ferme); Elle est composées de deux bâtiments juxtaposés, l’un abritant des logements avec un grenier au-dessus, et l’autre constituant la cascina proprement dite, et abritant le bétail. Les maisons sur cour ne manquent pas dans le pays, bien qu’elles soient plus répandues en Lombardie.
Un autre type d’habitation sur cour se forme autour d’un noyau central, tel un petit village agricole habité par de petits exploitants. Sur le plan architectural, on est frappé par la simplicité et la division clairement fonctionnelle entre les bâtiments abritant les quartiers d’habitation, les étables et autres dépendances. Avec leurs lofts, ces propriétés forment des unités distinctes ou juxtaposées en série, entourées par un haut mur ou une haie.
Les maisons que l’on trouve dans les zones bordant le bas des tronçons du Pô, de l’Adige et du Brenta, présentent une variété de caractéristiques propres à ces régions depuis que l’homme s’y est installé pour la première fois. Les types d’habitations rurales les plus fréquemment rencontrées sont soit complètement isolés, soit regroupés pour former de petits établissements; ils sont de style traditionnel et disposés sur deux ou trois étages, de la cuisine, d’un ou deux espaces de rangement au rez-de-chaussée, et d’un escalier intérieur menant aux chambres et à la pièce de vie. Le foyer de la cuisine avec sa haute cheminée est construit contre le mur avant; le toit est en pente, les fenêtres relativement grandes et les murs intérieurs en briques cuites. Il y a aussi invariablement deux grandes dépendances avec des greniers attenants à la maison qui accueillent le bétail et les outils agricoles. Les toits de ces derniers sont fortement inclinés et ont des avant-toits en saillie atteignant presque le sol.
Les maisons d’Italie centrale (Toscane, Umbria), remontent à des origines lointaines. Appartenant à un type qui, comme le montrent les vieux dessins, ont survécus avec ténacité. Ce sont des habitations individuelles de plus d’un étage avec un plan au sol rectangulaire et un toit à pignon; le rez-de-chaussée est occupé par les locaux agricoles, et les quartiers de vie au dessus sont accessibles par un escalier extérieur.
Dans le sud de l’Italie, le type d’habitation le plus répandu est la maison rurale de plain-pied. Très fréquent dans la Campanie, Basilicate et la Calabre, il se compose d’une seule pièce au rez-de-chaussée, souvent au-dessus ou au-dessous du niveau du sol. Le trullo évoqué plus haut, ou habitation conique des Pouilles, est un descendant de l’abri de jour circulaire à pièce unique, avec un toit en dalles de pierre. Dans sa forme la plus courante, le trullo est un bâtiment indépendant de plain-pied avec un toit conique et sans division interne. C’est le résultat de la fusion d’une série de bâtiments ronds aux toitures effilées, conçus pour servir de logement ou de ferme.
Dans la version moderne de celui-ci, il y a une séparation entre la zone servant de grange ou de remise, et les quartiers d’habitation. En raison de l’abondance de soleil dans le sud et du désir conséquent de vie en plein air, et combiné à la nécessité de garder la maison aussi fraîche que possible à l’intérieur, de nombreuses maisons sont pourvues de portiques, de terrasses, de toits-jardins ou de pergolas. Toutes ces caractéristiques se prêtent au caractère essentiellement géométrique des modèles du sud de l’Italie.
Le tuf est largement utilisé à Naples et à Bari. Et peut être convenablement utilisé pour les murs, dans un cadre de béton armé, à condition que le climat soit doux. La neige et les fortes pluies sont rares et le sol repose sur un gisement de calcaire très perméable d’origine volcanique.
Au cours des dernières décennies, le paysage agricole italien a subi des changements. Le phénomène le plus marquant est la « dé-ruralisation », qui résulte dans une large mesure de l’abandon des terres et des maisons par des travailleurs agricoles contraints de rechercher d’autres emplois et de meilleurs moyens de subsistance. Il existe également de nombreux autres facteurs tels que l’expansion de l’industrie, le dépeuplement général des campagnes, l’absence de tout programme efficace pour préserver les petites exploitations agricoles, mais aussi l’utilisation spéculative des terres agricoles pour leur valeur pittoresque.
On peut déplorer le fait que non seulement une grande partie de l’héritage rural architectural est dans un état désastreux et en voie de disparition totale, mais il en va de même pour les sols, l’eau, l’air, la flore et la faune, gravement menacés dans l’état actuel du pays. L’avenir du patrimoine architectural rural est clairement lié au choix économiques du pays et à la politique sociale. Les objectifs devraient inclure la stabilisation de la population grâce à l’augmentation des possibilités d’emploi dans le secteur primaire, et le développement des services sociaux et des infrastructures permettant l’amélioration des conditions de vie dans toute les campagnes; en même temps, l’accent doit être mis sur la nécessité de préserver et de réévaluer l’environnement naturel et historique dans l’intérêt de l’équilibre écologique. L’intérêt doit être porté à des mesures efficaces et à des engagements et garanties liés à la protection de l’environnement naturel et de l’environnement visuel artificiel légué par l’histoire, avec une attention particulière aux critères d’utilisation pratique des bâtiments ruraux qui survivent aujourd’hui.