L’Habitat ailleurs: l’habitat Berbère d’Algérie

L’environnement bâti traditionnel est, essentiellement, la manifestation d’un groupe. Il est le résultat d’un code social collectif répondant aux besoins de base, un abri pour assurer le bien-être physique, bénéficiant d’un confort satisfaisant, sécurisant, tout en répondant au respect commun de la société et à la préservation de son environnement naturel. La maison est le centre de la société; un espace bâti dans lequel toutes les fonctions de cette même société se mélangent et se représentent, et pour mieux comprendre l’habitat, il est impératif d’en appréhender tous les aspects. Cet article porte sur l’habitat traditionnel regroupé et perché dans certaines agglomérations du massif des Aurès;  une vaste région montagneuse d’environ 11 000 km², située dans la partie nord-est de l’Algérie, entre les hautes plaines et les frontières sahariennes. Quelques lignes qui visent à examiner les formes de logement vernaculaire de la vallée d’Aures, pour identifier les caractéristiques communes, qui peuvent aider à comprendre les facteurs de transformation des espaces domestiques dans cette région. 

Aspect physique du massif des Aures

Le massif d’Aures est subdivisé entre Aures Chergui à l’est et Aures Gharbi à l’ouest, il est caractérisé par les deux vallées profondes et parallèles d’Wadi EI-Abiod et Wadi Abdi. Son climat est continental et très varié, avec un hiver très froid et un été chaud 

L’aspect physique de la région est inégal, avec des surfaces rocheuses et des pentes très raides. En plus de cela, l’aridité du climat et la rareté de l’eau ne permettent pas la pratique de la culture céréalière. Par conséquent, pour des raisons économiques, les habitants des vallées d’Aures ont construit leurs villages au sommet des collines et des falaises, les villages sont donc composés d’une série de zones de vie distinctes correspondant à des groupes de clans distincts, chacun avec son propre territoire. 

Quelles que soient les contraintes environnementales, le choix d’un emplacement pour une maison est basé sur des critères sociaux et sur des facteurs économiques et culturels fondamentaux. La maison est une unité sociale et économique au sein de laquelle la disposition des nombreux espaces est intimement liée à la structure de la famille et à son mode de vie.

Facteurs de transformation des formes de logement berbère 

Dans certains cas; les conditions environnementales peuvent être plus influentes que le facteur socioculturel, ce qui est le cas du logement berbère. Le manque d’eau et de terres fertiles a été un facteur important, dictant l’emplacement des colonies de Shawia. Cela a forcé la population locale à construire ses villages au sommet des collines et des falaises afin de préserver des terres pour l’agriculture, et pour se protéger des inondations liées aux crues des rivières. Autrefois, cette position stratégique prise par les «Shawia» avait une raison sociale et politique lors des guerres intertribales. Dans la région d’Aures, les maisons sont généralement regroupées dans des hameaux et des villages surplombant les montagnes, établies ici à des fins défensives, comme par exemple la communauté de Menaa.

L’une des caractéristiques les plus marquantes de ces établissements est l’unité singulière de leur forme architecturale. Profitant des flancs de falaise en utilisant le rocher comme mur arrière, les maisons, ponctuées de quelques petites fenêtres, sont adaptées aux besoins individuels. Leur juxtaposition produit un effet remarquable, créant des villages de caractère dont l’harmonie est due à la gamme restreinte de matériaux et de couleurs, et dont l’unité est la résultante de ses formes liées.

La structure sociale

Il y avait deux différents types d’organisation tribale dans le Maghreb précolonial. Dans le premier cas, plusieurs villages habités par des agriculteurs sédentaires formaient une tribu, ou «arsh» en berbère. Chaque tribu descendait d’un ancêtre mythique commun. Elle possédait un territoire commun déchu également appelé «arsh». La tribu était dirigée par un chef militaire (‘amin ul-‘umana’) élu chaque année par le conseil des anciens, appelé jema’a, qui était composé de représentants des villages. Il représentait le plus haut pouvoir judiciaire de la tribu. Pendant les guerres et les troubles politiques, de nombreuses tribus ont formé des coalitions militaires et politiques appelées taqbilt. Ce type d’organisation tribale a été observé dans des villages berbères de type Kabylien et Rif. Des groupes semi-nomades et des fermiers sédentaires récents formaient des tribus avec les mêmes attributs tels que la terre commune (‘arsh), le chef militaire et parfois le conseil des anciens (tajma’at). Mais son unité sociale de base était la faction (harfiqt en berbère, et ferqaen arabe dialectal) composée de sous-factions, qui à leur tour comprenaient plusieurs lignées, et non un village. Ce type de tribus était connu des Berbères des institutions tribales d’Aures et les pratiques jouaient un rôle supplémentaire dans la vie du village. Ils ont protégé la société villageoise des invasions extérieures destructrices. Dans la période précoloniale, la tribu n’avait pas d’administration permanente. Les jema’a et les tajma’at tribaux ne sont pas intervenus dans les affaires intérieures des communautés villageoises. Le sentiment de solidarité tribale des villageois était très rarement mobilisé en cas de guerres, de rébellions et autres catastrophes importantes. Le village berbère faisait partie de communautés sociales et politiques plus larges. 

La famille était l’unité sociale et culturelle de base du village et avait de nombreuses fonctions, qui n’étaient pas toutes explicites. L’un de ses rôles est de garantir la continuité de la «tradition» locale ou du patrimoine culturel de la société villageoise; Les Berbères vivent et travaillent plus dans la rue que chez eux. Nulle part il n’y a d’intimité dans son cadre moderne. Dans la plupart des établissements berbères, les maisons sont construites très étroitement. Dans la vie de tous les jours, le rôle de la famille et de la lignée l’emportait sur celui de la tribu. La solidarité tribale a renforcé la solidarité commune villageoise. Les liens de lignage supplémentaires forment de nombreuses nouvelles relations entre les ménages et les individus. Il est à noter que la conception paysanne de la tribu s’est construite sur la notion de famille, comme celle de clan et de village. C’est pourquoi les noms des tribus berbères incluent la notion «enfants, descendants» (ayt et uld en berbère et beni en arabe dialectal). Ce type d’organisation sociale et politique Berbère a provoqué une segmentation politique de la société locale. Mais, d’autre part, il lui a donné une forte autonomie intérieure, basée sur les institutions sociales et politiques locales.

Structure de la famille berbère

Chaque famille nucléaire (parents et enfants célibataires) occupe une maison. L’intérieur de la maison est soigneusement aménagé afin que chaque membre de la famille puisse conserver une autonomie minimale et une intimité adéquate. La famille berbère est patriarcale; sa cohésion est protégée et maintenue par un système d’alliances matrimoniales et également par différentes mesures judiciaires, par exemple le droit de préemption, le déshéritage des femmes, etc., destinées à conserver aux hommes la propriété d’un patrimoine indivis. Il est donc rare de trouver des filles mariées faisant toujours partie de la famille élargie. Pourtant, les descendants masculins devraient rester dans la famille même après le mariage, sous la même autorité paternelle qu’auparavant. La nouvelle épouse est, pour sa part, considérée comme un moyen d’augmenter la taille de la famille et de resserrer ses liens.

Types de maisons

La maison traditionnelle  » thaddart « , comme toute architecture vernaculaire, est le résultat de l’adaptation humaine aux conditions climatiques et sociales, mais aussi liée à la disponibilité des matériaux de construction et à la connaissance de leurs techniques. 

En effet, c’est une maison d’autrefois dans laquelle tout est présent: les meilleures techniques, les dimensions les plus efficaces, les arrangements les plus efficaces, mais aussi économique, où la sagesse règne et s’exprime par la poésie. La maison berbère traditionnelle est le fruit d’efforts collectifs: une maison née du folklore.

Processus de construction

Dans les vallées des Aures, comme dans toute société traditionnelle, la construction d’une maison est un grand événement. Ce n’est pas seulement le résultat d’une initiative individuelle; les deux principaux groupes sociaux sont impliqués dans la tâche, le groupe domestique lié par le sang qui forme la famille, à laquelle les hommes, les femmes et les enfants participent, exprimant l’unité familiale en termes économiques et sociaux. Et le groupe villageois qui n’est autre que la communauté. Tout le monde est appelé, s’impliquant ainsi dans un effort de coopération mutuelle appelé « tuiza ».

Habituellement, les Shawia commencent à construire leurs maisons entre avril et octobre, afin d’éviter les fortes pluies et la neige de l’hiver. La tâche comporte deux phases distinctes: la préparation, lorsque le site est sélectionné et les matériaux collectés et amenés sur le site, la seconde est l’opération de construction du logement lui-même. Le processus de construction implique d’une part un acte d’appropriation de l’espace, et d’autre part un acte de transformation de l’espace. Généralement le site est choisi le plus près possible des maisons des parents ou des proches, pour resserrer le clan. Traditionnellement, la disposition est suivie d’une cérémonie rituelle et la même procédure est répétée à chaque étape de la construction. Le cérémonial religieux a presque toujours précédé et accompagné la fondation, la construction et l’occupation de la maison.

Stratégies de transformation de l’espace domestique

L’architecture traditionnelle du peuple Aures est une adaptation personnelle d’une solution de groupe. Les maisons érigées par une société particulière sont d’un style élaboré en commun sur plusieurs générations.

Ils constituent une synthèse des nombreux facteurs contrôlant leur organisation sociale et physique; ils répondent aux impératifs socio-culturels et économiques qui sont les caractéristiques d’un groupe social. Le style vernaculaire montre une participation directe des habitants à la création de leurs maisons, et qui reflète l’expression de leurs besoins personnels et sociaux. 

L’apparence des colonies d’Aures a cependant considérablement changé, plusieurs maisons de style occidental étant en construction et plusieurs maisons traditionnelles tombant en ruine. De nos jours, le potentiel des méthodes de planification et de construction indigènes est négligé. Ainsi, les formes architecturales traditionnelles sont progressivement détruites, du fait du contact avec le «monde moderne».

Conclusions

L’architecture traditionnelle du peuple Aures est une adaptation personnelle d’une solution de groupe. Les maisons érigées par une société particulière sont d’un style élaboré en commun depuis plusieurs générations. Ils constituent une synthèse des nombreux facteurs contrôlant leur organisation sociale et physique; ils répondent aux impératifs socio-culturels et économiques qui sont les caractéristiques d’un groupe social. Le style vernaculaire montre une participation directe des habitants à la création de leurs maisons, qui reflète l’expression de leurs besoins personnels et sociaux. L’habitat traditionnel est la forme de vie la plus simple, une leçon profonde, élaborée avec des matériaux et des techniques locales, exprimant les valeurs et les cultures de chaque société.

De nos jours, le potentiel des méthodes de planification et de construction indigènes est négligé. Les formes architecturales traditionnelles sont progressivement détruites en raison du contact avec le «monde moderne». Elles sont remplacés par des méthodes occidentales, souvent sans rapport avec les conditions et les besoins locaux. L’architecture indigène des Aurès constitue un patrimoine unique. Des mesures précises devraient être prises pour le préserver, au moins en partie.

A travers toutes les Aurès, les profonds changements que connaît la société aurassienne depuis l’indépendance, s’expriment par une transformation spectaculaire du territoire (macro-structure), de part en part, dans cette vaste masse montagneuse, on voit une architecture vernaculaire profondément fanée, parfois à l’état de ruine, et l’émergence de nouvelles formes dans l’espace.

Ces microstructures, souvent appelées «Dechras», sont particulièrement révélatrices de cette dualité culturelle et de l’absence de références. L’adhésion à la «modernité» passe ici par l’assimilation d’une «convenance» inadaptée, parfois même non utilisée. En fait, c’est la reproduction ou la transplantation naïve d’un modèle importé sans doctrine d’intégration. Malgré le modernisme apparent de la population urbaine algérienne; la plupart de la société algérienne reste traditionnelle dans ses pratiques sociales. Cela explique la nécessité de nouvelles conceptions de logements adaptées aux besoins contemporains, mais qui expriment toujours les principales exigences traditionnelles de la vie quotidienne. Le logement auto-construit, principalement l’expression architecturale des groupes à revenu moyen, n’a pas réussi de nos jours à répondre de manière adéquat à ces deux besoins. De tels logements dans le massif berbère ne sont ni uniques ni appropriés à l’Algérie. D’autres formes de logements devraient se développer dans un avenir proche, car l’Algérie recherche une nouvelle typologie qui elle le croit, répondra mieux à ses besoins.

Auteur de l’article : Mickael Cantello

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