Les différents types d’architecture philippine sont écologiques et utilisent les ressources locales. Les matériaux les plus souvent requis pour la construction de l’habitat sont le bambou, le chaume, le treillage de canne ; les matières végétales remplacent les clous. Les maisons, sur pilotis, sont conçues pour résister aux catastrophes naturelles grâce à un système de parois et planchers indépendants des piliers et du toit. De par le climat chaud et humide que connaissent toute l’année les Philippines, la vie quotidienne se déroule plutôt à l’extérieur sous un porche protégé du soleil, qu’à l’intérieur. De même, en raison de l’humidité ambiante, la cuisine est la salle d’eau sont largement ouvertes sur le jardin.
Il est intéressant de remarquer qu’on mesure les constructions aux Philippines en termes de proportions relatives au corps humain : on parle en foulée, en palmes de main… D’ailleurs, de nos jours, les Philippins utilisent le système de mesure anglais, pas si éloigné !
La maison traditionnelle côtière
Depuis des siècles, sur les côtes, les maisons traditionnelles sont conçues avec des matières végétales locales. Les murs et le sol sont en bambou, en panneaux de nipa (feuilles de cocotier tressées) ou, plus rarement, en planches de bois dur.
La charpente est en bois et le toit en chaume ou en nipa séché, afin d’isoler de la chaleur. Pour se protéger des inondations, de l’humidité et des animaux rampants, les maisons sont là encore, souvent élevées sur pilotis. L’air circule et rafraîchit l’intérieur grâce aux interstices que présentent les parois de bambou ou les lattes de bois du sol et des murs.
Dans les villes, cette architecture traditionnelle a été reproduite, avec quelques adaptations, en remplaçant par exemple les panneaux de nipa par des panneaux d’aggloméré ou de contreplaqué, plus résistant aux agressions extérieures, mais assurant une moins bonne aération. Une fois assemblés, les divers matériaux sont peints dans des tons blancs, bleu clair ou vert eau, et ces couleurs variées égayent le paysage urbain.
La maison accueille généralement l’ensemble des membres d’une famille, toutes générations confondues, des fois même jusqu’aux cousins et cousines venus de la province pour étudier ou travailler. Il arrive qu’une dizaine de personnes se partage un logement de 15 mètres carrés. Il n’y a pas toujours de coin cuisine dans la pièce à vivre car la place manque ; la famille se procure alors les repas dans les calenderia. Un seau d’eau sous le porche ou une petite pièce bien ventilée permet de faire sa toilette. Le WC est également évacué à coup de louches d’eau ; le papier toilette est jeté à la poubelle car il n’y a pas de tout-à-l’égout. Cependant, le développement de la classe moyenne, dans les villes, favorise la multiplication des kitchenettes, des douches, des lavabos, et des WC avec chasse d’eau.
La maison traditionnelle des montagnes
Extrêmement robuste, elle est construite en bois dur et protège du froid et de l’humidité. Elle est aussi surélevée sur pilotis.
Elle peut être réalisée soit selon un plan au sol rectangulaire, avec un toit à pignon, soit selon un plan carré et un toit pyramidal pentu. Ce dernier, soutenu par de solides troncs d’arbre, est doté d’une charpente également en bois et est couvert d’herbes sèches. L’intérieur comprend une pièce unique qui peut mesurer entre 4 et 10 mètres carrés et dans laquelle se réunit la famille.
On y trouve le foyer pour la cuisine et le chauffage. L’espace sous la maison est le lieu de vie, car il est ombragé. L’air qui circule entre les lattes de bois rafraîchit l’intérieur.
La maison d’influences
Les maisons en dur ont vu le jour à la fin du 17ème siècle. Leur style a été influencé par l’architecture chinoise, mais surtout par les colons espagnols. De forme cubique ou parallélépipédique, les constructions associent briques de coraux, bois et tuiles. La maison est divisée en deux parties : le rez-de-chaussée aux murs de pierres appelé silong et le premier étage aux murs de bois appelé ta’as. Le silong accueille les animaux domestiques, les outils et le matériel. Quant au ta’as, il peut être une pièce unique aux fonctions multiples ou divisé en deux ou trois pièces, comprenant un espace de vie et un espace de repos appelé guinlawasan. A l’arrière de la maison se trouve généralement un porche (batalan ou pantaw).
Les maisons ancestrales de familles aisées ont malheureusement presque toutes disparu pour laisser place à des édifices modernes, sans âmes et que l’on trouve sur toute la planète. En outre, avec la modernisation, l’amélioration des transports et des communications, les maisons traditionnelles côtières et montagnardes pourraient bien disparaître à leur tour, au profit de maisons en dur, tant convoitées par les Philippins.
La solution pour préserver cette richesse architecturale serait de l’adapter au mode de vie du 21ème siècle.
Malgré l’évolution des constructions, la tradition consistant à bénir sa maison pour assurer l’harmonie et la prospérité du foyer, avant que la famille ne s’y installe, subsiste. On fait encore venir un prêtre pour consacrer tout le bâtiment lors de son inauguration, cette pratique est si fortement ancrée dans les mœurs que certains Philippins refusent de travailler dans un édifice qui n’aurait pas été béni !
La culture est un élément essentiel de l’identité d’un peuple. Malheureusement, cet héritage, même quand il n’est pas menacé de disparition, n’est ni enseigné à l’école, ni mis en valeur dans des centres culturels. La connaissance de leur patrimoine est pourtant une des clés des problèmes identitaires des Philippins. Leurs racines sont constituées d’un enchevêtrement de traditions locales et de cultures empruntées aux quatre coins du monde, dans une saine curiosité et acceptation de l’autre. Il serait temps que le gouvernement mette en place la protection du patrimoine culturel philippin avant qu’il ne soit trop tard.