L’Habitat ailleurs: La Sicile

Les nombreuses dominations successives en Sicile, au cours des siècles, ont influencé la langue, l’art, la cuisine et tous ses aspects culturels. Son territoire peut être distingué en différentes parties, en fonction de la particularité des éléments culturels et économiques acquis au cours des siècles, et aux aspects naturels qui font que chaque lieu est unique.

Aujourd’hui analysons la zone entourant le volcan Etna, dans le but de présenter les éléments les plus importants de l’architecture traditionnelle rurale locale qui vit actuellement un lent processus de déclin.

Les exemples d’architecture sont importants car c’est la première étape pour capturer et souligner la grande valeur de cette partie de la culture locale.

INTRODUCTION

La Sicile est une île italienne fière, riche d’histoire et comprenant de superbes éléments naturels, mais en même temps, c’est une terre de négligence et de compromis avec un faible conscience de la valeur élevée du bâtiment et des connaissances transmises depuis des lustres. Elle souffre de peu d’attention pour les constructions existantes.

Parmi les autres particularités de la Sicile, la plus importante est la présence sur l’île de l’Etna, le plus haut volcan actif d’Europe. La présence du Mungideddu (comme les Siciliens appellent l’Etna) caractérise tout l’aspect naturel de la zone qui l’entoure, et influence également la façon de construire, en particulier dans le contexte rural.

ARCHITECTURE RURALE

L’ensemble de la Sicile est caractérisé par des maisons éparpillées le long de la campagne. La plupart d’entre elles ont été construites par le propriétaire pour entreprendre des activités liées à l’agriculture.

Dans la zone centrale de l’île, le pouvoir politique et économique était divisé entre quelques familles riches organisées en latifundia (grand domaine agricole), où le blé était cultivé.

Tout autour de l’Etna, plusieurs familles possédaient des terres qui servaient à produire du raisin, des agrumes, des olives ou des amandes. Dans chacune de ces propriétés, il y avait des maisons de formes et de tailles différentes. La production la plus courante dans la région Etnéenne était le raisin, parce que la demande de vin a constamment augmenté, et la terre donnait un produit de bonne qualité.

Pour permettre la production de raisins, le territoire escarpé était organisé en restanques de pierres de lave, et le paysage était caractérisé par cette culture. La construction des bâtiments a également été influencée par les vignes car elle a nécessité la création de meules à vin et de caves (la première pour la production de vin, la seconde pour le stocker).

Dans ces maisons rurales, il y avait peu d’éléments décoratifs, généralement d’une simplicité austère, et la seule chose qui marquait la différence entre les maisons et la partie productive du bâtiment était le nombre et les caractéristiques des cadres de portes et de fenêtres. Dans cette zone, le paysage était dominé par les pierres de lave, qui servaient à ériger les murs en pierres sèches qui divisaient les différentes propriétés, mais aussi à construire les maisons.

Le dénominateur commun était la simplicité des structures et l’absence d’ornements. Dans de nombreux cas, les bâtiments avaient une forme compacte avec des décorations géométriques de différentes couleurs. Dans chaque maison, il y avait au moins une citerne, absolument nécessaire pour garantir l’eau toute l’année. L’eau était collectée par les toits et les terrasses à travers les tuiles et les gouttières. Les parties productives des bâtiments pourraient être organisées pour des productions spécifiques, telles que le vin et l’huile, et les pièces vides étaient utilisées de différentes manières selon les besoins du moment: dépôts d’outils, abris pour animaux ou espaces de production.

Bâtiment de plain-pied

Le type de maison le plus simple était le bâti de plain-pied de forme généralement rectangulaire. Les murs extérieurs et les cloisons étaient réalisés en pierres de lave, parfois avec du mortier. Sur ces structures, une lourde charpente de bois était recouverte de tuiles.

Parfois, un mur longitudinal partageait la profondeur de la maison créant des pièces à l’avant et à l’arrière de celui-ci. En général, il n’y avait aucun couloir, et les pièces étaient organisées en enfilade.

Maison sur talus

Dans la deuxième typologie, le bâti principal était érigé sur un talus de sorte à utiliser la pente du terrain pour contenir la cave à vin et améliorer l’accessibilité à la meule. Ce genre de bâtiment, utilisé sur les collines, avait une forme compacte (plus ou moins carrée) et un toit en pavillon.

Le long de deux ou trois faces du bâtiment, en bordure du remblai, il y avait une terrasse où se trouvait l’entrée à la maison, mais permettait aussi un accès indépendant aux chambres.

Bâtiment à deux niveaux

Ce type de construction date du milieu du VIII siècle. Réalisé sur deux niveaux; la partie habitable se trouvait au premier étage et disposait d’un balcon tout autour de ce dernier.

Des arcades fermaient l’extérieur du rez-de-chaussée et supportaient la terrasse de l’étage supérieur. L’accès à l’entrée principale se faisait par un escalier sur la façade principale du bâtiment, et parfois un accès secondaire se faisait via un autre escalier à l’arrière.

MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION

Le matériau principal utilisé était la pierre de lave. La terre autour de l’Etna est constituée de différents types de basaltes disponibles en quantité. Ce matériau était utilisé pour les murs de la maison et les murs d’enceinte. Mais aussi pour construire les escaliers, les cadres de portes et fenêtres, les sols, les citernes, et même des éléments de mobilier.

Un autre type de pierre utilisé comme cadre de fenêtres et de portes étaient la pierre blanche de Syracuse. Ce matériau était plus cher que la lave et était donc principalement utilisé par les familles les plus riches. Ces pierres étaient également utilisées pour façonner les décorations géométriques sur les façades des immeubles.

Pour améliorer l’imperméabilité de l’extérieur des murs, les façades étaient enduites d’un mélange de chaux et de terre locale. De ce genre d’enduit dérivent les couleurs allant du rose au gris clair, si particulières à la campagne Etnéenne. Le bois était un autre matériau important. Jusqu’au XIX siècle, tout autour de l’Etna, il y avait de nombreuses forêts, depuis largement déboisées pour la création de vignobles et les plantations d’agrumes, il était donc facile et économique d’utiliser ce matériau.

Le matériau était utilisé pour les portes, les fenêtres, les balcons, les escaliers, les planchers et les charpentes. Lorsque le prix du bois a augmenté, il a été remplacé par le fer. Le travail du fer forgé traditionnel sicilien est très célèbre et de très beaux exemples de portails ou balustrades datant du XIXème siècle sont toujours visibles sur l’île. Le fer était également utilisé comme élément structurel pour renforcer les murs et les toits.

TECHNIQUES DE CONTRUCTION

Il existe un nombre infini de manières d’utiliser les pierres de lave; du simple mur de pierres sèches grossièrement taillées, jusqu’aux pierres parfaitement cubiques liées avec du mortier. Les murs mesurent environ 500/900 centimètres d’épaisseur. Pour construire ces murs, des échafaudages en bois étaient utilisés, et encore aujourd’hui on peut observer les trous laissés dans le sol ayant servis à stabiliser la structure.

En Sicile, il était difficile et coûteux d’obtenir de la chaux, les familles pauvres construisaient des murs en pierres sèches tandis que les plus riches utilisaient des techniques de maçonnerie plus évoluées. Dans tous les cas, les meilleures pierres étaient utilisées pour les coins des bâtiments.

Particulièrement dans la zone de l’Etna, qui est une zone sismique, les bâtiments devaient être suffisamment solides pour résister aux séismes. Dans la plupart des cas, les maisons simples en pierres sèches ne résistaient pas aux tremblements de terre et devaient être entièrement reconstruites.

Dès le début du XIXe siècle, les voûtes ont fait leur apparition, construites avec de la pierre ponce, un matériau très léger d’origine volcanique lui aussi très répandu dans la région de l’Etna. Des cadres en bois recouverts de cannes et ensuite enduits étaient utilisés comme cloisons internes non structurelles afin d’organiser l’espace de manière plus confortable.

CONCLUSION

De nos jours, le patrimoine rural de l’Etna vit un lent processus de déclin. Des milliers de vieux bâtiments de campagne sont abandonnés ou détruits. Depuis, la situation économique a changé, et la propriété foncière ne garantit plus la richesse comme par le passé.

Avec la mondialisation, la production de vin, d’huile et en particulier d’agrumes est en crise, et à l’image de l’immense majorité des sociétés dites « modernes », les nouvelles générations désertent les campagnes, condamnant à l’oubli et à l’extinction le patrimoine rural traditionnel.

Auteur de l’article : Mickael Cantello

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